
17 Juin Retour sur le débat concernant la déconjugalisation de l’AAH
Le 10 septembre 2020, une pétition a été déposée sur la plateforme dédiée du Sénat pour demander la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l’AAH. Cette pétition est la première de la plateforme à recueillir plus de 100.000 signatures.
Au Sénat, le texte a subi deux modifications majeures : le rétablissement d’un plafonnement de l’AAH et la préservation des majorations de plafond pour enfant à charge et la création d’un système de transition pour les « perdants » de la déconjugalisation de la prestation. Le coût des dépenses nouvelles que représenterait la déconjugalisation de l’AAH est estimé à 560M€. Celle du dispositif transitoire proposé, pour permettre aux perdants de la déconjugalisation de continuer à relever des anciennes règles pendant 10 ans, est évaluée à 170M€.
Le cout total de la PPL telle que résultant de son adoption est donc de 730 M €. Il faut noter que la déconjugalisation, en enlevant toute prise en compte des revenus du conjoint, favorise davantage les foyers à plus hauts revenus et se révèle être très anti-redistributive. Par ailleurs cette déconjugalisation fait 44 000 « perdants », qui sont pour la plupart des couples dont le bénéficiaire AAH travaille mais dont le conjoint dispose de faibles revenus : avec la déconjugalisation, leur AAH serait réduite, et 21% perdraient totalement le bénéfice de l’allocation. Le droit d’option proposé par le Sénat vise à leur permettre de choisir pendant une durée transitoire de 10 ans entre les deux régimes, mais ce droit d’option s’avère impossible à mettre en oeuvre par les caisses d’allocations familiales (CAF) et il créerait une rupture d’égalité entre les bénéficiaires.
Le Groupe LaREM est très attaché à la préservation du système de protection sociale, fondé sur la solidarité familiale et nationale, et considère que la déconjugalisation ouvrirait une brèche en termes de justice sociale. Il est toutefois attentif aux alertes relayées sur le terrain par les associations de personnes handicapées et estime qu’il faut trouver une solution pour que les bénéficiaires ne renoncent pas à se mettre en couple pour conserver leur allocation ou ne pas la voir décroitre, lorsque leur foyer ne perçoit pas de hauts revenus. Il a ainsi travaillé à une solution visant à prendre en compte les revenus du conjoint de manière plus juste et équitable, en permettant aux bénéficiaires inactifs dont le conjoint gagne jusqu’à 1 SMIC (1230 euros nets) de percevoir une allocation à taux plein.
C’est le sens de l’amendement porté par le gouvernement, les groupes LaREM et MoDEM qui a été adopté en deuxième lecture en commission des affaires sociales. Contrairement au texte voté au Sénat, ce dispositif ne fait aucun perdant, est très redistributif et pourra être mis en oeuvre par les CAF dès janvier 2022. 60 % des bénéficiaires inactifs pourront grâce à cet amendement percevoir une AAH à taux plein, alors qu’ils ne sont que 45% aujourd’hui. La mesure représente un gain moyen de 110 € par mois pour 120 000 bénéficiaires, pour un coût total de 185M€.
Le Gouvernement a engagé une revalorisation sans précédent de l’AAH : au 1er novembre 2019, son montant a été fixé à 900€, soit une hausse de 11 % par rapport à son montant de début de quinquennat et l’équivalent d’un 13ème mois. Cette revalorisation concerne 1,1 millions de personnes (90% des bénéficiaires). C’est un effort de 2 milliards € sur le quinquennat.
o Sur l’individualisation de l’AAH
Au début de l’année 2019, une proposition de loi déposée par le groupe GDR, rejetée, proposait la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint entrant dans le calcul du bénéfice de l’AAH.
Or, une telle demande revient à confondre « allocation de solidarité » et « principe de compensation ». En effet, l’AAH est une garantie de ressources, et, à ce titre, elle prend en compte l’ensemble des revenus du foyer, incluant tous les minima sociaux (RSA, minimum vieillesse, etc.).
C’est une prestation familiale (article L. 821-5 du code de la sécurité sociale), dont le montant correspond à la différence entre le montant maximum de l’AAH et l’ensemble des autres ressources perçues par la personne handicapée (revenus, prime d’activité, PCH…), et s’il y a lieu de son conjoint dont les revenus sont favorablement pris en compte (cf. supra).
o Sur le déplafonnement de l’AAH
Si la personne handicapée vit en couple, le plafond de l’AAH est majoré :
– de 81% si présence d’un conjoint, concubin ou partenaire de pacs ;
– cumulable avec 50% supplémentaire par enfant à charge.
Le mode de calcul visant à prendre en compte les revenus familiaux dans le cadre de l’AAH est plus avantageux que les autres minima sociaux car il comprend de nombreux abattements visant à favoriser au maximum l’activité de chacun. En effet, les revenus d’activité du conjoint font l’objet d’un abattement spécifique de 20 %6, en plus de l’abattement fiscal de 10% sur l’ensemble des autres revenus.
Le plafond de ressources pour les couples reste élevé : actuellement 1 629 € mensuels depuis novembre 2019. Ayant pour objectif de lutter contre la pauvreté subie des personnes handicapées, les plafonds actuellement en vigueur permettent de cibler les bénéficiaires de façon plus efficace.
On estime que 24% des allocataires de l’AAH (soit environ 270 000 personnes) sont en couple.
La revalorisation exceptionnelle de l’AAH, en parallèle de l’abaissement du coefficient multiplicateur pour les couples (passant de 89% à 81%), permet d’assurer que le montant d’AAH des bénéficiaires en couple ne diminuera pas. Ainsi 60% des ménages en couple (soit 162 000 personnes) ont bénéficié, en novembre 2019, d’une revalorisation à plein à la suite de la réforme portant l’AAH à 900 €. Les 40% de bénéficiaires en couple qui n’en ont pas bénéficié totalement, disposent a minima d’un montant d’AAH constant.
Le bénéfice de l’AAH est donc naturellement calculé sur la base des revenus de la personne handicapée tout en prenant favorablement en compte les revenus du conjoint. Ainsi, la prise en compte du foyer dans l’attribution et le calcul de l’AAH n’a pas pour effet de majorer le montant de l’AAH versé, mais d’élargir substantiellement la base du public éligible.
Comme annoncé par le Président de la République lors de la CNH du 11 février 2020, l’AAH n’a pas vocation à être modifiée : elle ne sera ni diluée, ni remplacée dans le futur revenu universel d’activité (RUA). Il s’agit là de deux sujets traités séparément.
Le Président de la République a également souhaité agir sur les délais de la prise en charge de l’AAH pour améliorer la réactivité du traitement des dossiers. Il a annoncé qu’à compter du 1er janvier prochain, aucune demande d’allocation adulte handicapé ne soit traitée en plus de 3 mois dans aucun endroit du territoire.