Néonicotinoïdes : Eric Alauzet vote contre la dérogation

Pourquoi j’ai voté contre la dérogation autorisant les néonicotinoïdes ?

Premier rappel : il y a trente ans, je m’engageais dans l’écologie politique, sensibilisé en tant que médecin par le problème de la santé-environnement. J’ai alerté sur ce danger sans avoir trouvé beaucoup d’écho au sein des partis politiques, de tous les partis, des élus et même des médias. 30 ans déjà et aujourd’hui ceux qui n’ont pas beaucoup de mémoire, ou alors très sélective, intiment aux élus de régler le problème sur le « champ ».

Second rappel : le 24 mars 2015, j’ai voté en faveur du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages dont l’article 125 interdisait l’utilisation des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018.

Pour ces deux raisons et parce que je suis cohérent, ce mardi 6 octobre 2020, j’ai voté contre l’autorisation d’utilisation temporaire des néonicotinoïdes pour la betterave, inévitablement perçue comme un recul.

Faut-il rappeler qu’entre son dépôt le 26 mars 2014 et son adoption le 8 août 2016, il aura fallu plus de 2 ans pour conduire à terme ce texte législatif ? En cause – déjà ! – une opposition forte contre la suppression des néonicotinoïdes, avec des dissensions au sein même du Gouvernement entre les ministres de l’agriculture et de l’écologie.

Cette loi, passée de justesse, a permis une baisse radicale de 90% de l’usage des néonicotinoïdes qui resteront interdits.

J’en suis fier mais je m’étonne que ce résultat soit si peu mis en avant. Sans doute certains ont-ils intérêt à faire croire à l’opinion publique qu’il s’agit aujourd’hui d’abandonner purement et simplement la protection de l’environnement. Or, le texte de ce jour, encadre très sévèrement les conditions d’utilisation des néonicotinoïdes. La dérogation est limitée à 3 ans afin d’éradiquer les 10% restants et n’est autorisée, avec des exigences concrètes, que pour la seule culture de la betterave.

Bien qu’opposé à cette loi, pouvons-nous tenter d’en comprendre les motifs et ne pas se contenter de faire un procès de (mauvaise !) intention à l’égard des gouvernements successifs, en France et

ailleurs ?

Le risque d’effondrement de la filière de la betterave avec ses 46 000 emplois ne peut pas être pris à la légère alors que se profile déjà le spectre de perte de près d’un million d’emplois dans la suite de la crise sanitaire. Il y a donc bien un risque de sur-crise. Sans parler de l’obligation de nous approvisionner en sucre – sans garantie aucune sur sa qualité sanitaire et l’absence d’impact sur l’environnement – chez nos voisins allemands, belges ou polonais qui ont activé l’article 53 du règlement européen rendant possible l’utilisation des néonicotinoïdes.

Bref, s’il est possible de faire preuve de nuance et de s’extraire d’une vision trop binaire et caricaturale, cette question témoigne de la complexité des choix qui doivent être faits, des choix qui apparaissent d’autant plus urgents que trop peu a été fait pendant de longues années. Il s’agit parfois de prendre non pas la bonne décision, mais la moins mauvaise. Pour ma part, j’ai privilégié l’écologie et la santé, tout en étant conscient du risque économique et social.

Eric Alauzet 



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