Le « jour d’après » verra-t-il la fin de la dérive néolibérale ?

C’est un souhait largement partagé, presque unanime ! Mais ne nous y trompons pas, le combat n’est pas gagné. Les ultra-libéraux sont très fortement organisés. Comme le craint le philosophe américain Philip Mirowski, le risque est grand de voir s’accélérer les mesures néolibérales, une fois la pandémie passée. 

Et pourtant, cette crise témoigne que le marché ne peut pas tout

Elle démontre même l’échec d’un capitalisme néolibéral fondé sur une mondialisation débridée et dérégulée, qui conduit en réalité à la destruction de la planète.

Serge Morand, écologiste de la santé, directeur de recherche au CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) souligne qu’en raison « de la production animale, et donc de l’augmentation du nombre d’animaux d’élevage, ainsi que de la superficie des terres agricoles pour les nourrir, la faune sauvage voit son territoire se réduire. Contrainte de se déplacer, elle côtoie davantage les animaux domestiques. Or cette proximité entre animaux domestiques et faune sauvage est une condition d’émergence des maladies infectieuses » (« Le 1 » du 18 mars 2020). Selon lui, seule la démondialisation et l’arrêt de l’élevage intensif permettront de juguler les épidémies. « Il faut réhabiliter l’économie circulaire. En favorisant de nouveau l’agriculture locale, en relocalisant nos industries dans un bien meilleur milieu social et sanitaire, en arrêtant le transport de marchandises, on y gagnera non seulement au niveau sanitaire, mais aussi d’un point de vue économique et de bien-être ». L’anthropologue Frédéric Keck dresse le même constat : dans le sud de la Chine, le nombre de volailles est passé de 13 millions en 1968 à 13 milliards en 1997, tandis que la déforestation amène les chauves-souris vers les habitats urbains (« Télérama » du 25 mars 2020).

Posons-nous les bonnes questions…pour apporter les bonnes réponses

Serons-nous capables de réinventer une nouvelle économie respectueuse de la terre prenant appui sur une croissance saine et non pas sur une production abusive qui pille les ressources naturelles ?

Serons-nous capables de changer nos modes de vie ?

Serons-nous capables de comprendre que nous vivons, ce que le politiste Bertrand Badie appelle « une crise structurelle du capitalisme mondial, qui résulte de l’échec du néo-libéralisme » (« Le 1 » du 18 mars 2020) ?

Serons-nous capables d’engager, comme le demande la sociologue Dominique Méda, « la reconversion radicale de nos économies en consentant des investissements massifs dans la transition écologique » (« le 1 » du 29 avril 2020) ?

Ce n’est pas synonyme de décroissance ; c’est simplement s’orienter vers une bonne croissance, celle qui permet à chacun d’avoir accès aux besoins essentiels et de partager -vraiment- les fruits de la croissance. Bref, ne plus accepter que la prospérité ne soit accessible qu’à quelques-uns.

Dominique Bourg, philosophe et fondateur d’Urgence écologie, avec qui Éric Alauzet a cosigné une tribune intitulée « La France doit porter une mobilisation responsable des leviers monétaires et financiers européens ! », le dit : « notre objectif doit maintenant être de régénérer la nature, de sauver l’habitabilité de la Terre. C’est plus un changement civilisationnel qu’un projet politique. Mais ça ne veut pas dire qu’on va vivre moins bien » (« le 1 » du 29 avril 2020).

N’attendons pas tout du national. Le changement viendra aussi du local, avec des collectivités qui s’engageront vers l’autonomie alimentaire et énergétique de leur territoire, qui seront mises en œuvre avec les habitants, les associations, les acteurs socio-économiques.

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